dimanche 28 juin 2015

Fox-Boy - Planche 51 - "Lignes de forces"

Une tentative de "leçon de découpage en bande dessinée".

J'espère que son sujet (que j'appelle "Lignes de Forces") va vous parler.

En ce qui me concerne, on touche ici au cœur véritable de ce qui m'occupe le plus intensément quand je construis une page (ou double-page) de bande dessinée. Tant que cette étape n'est pas aboutie au moment de faire le croquis de la page, je le referai, autant de fois qu'il le faudra, jusqu'à satisfaction.

 
Pour s'effacer derrière son récit, derrière ses personnages (c'est-à-dire raconter quelque chose, plutôt qu'épater la galerie), alors il faudra que le dessinateur se bagarre avec ces contingences de narration, jusqu'à ce que sa planche fonctionne en terme "d'émotion visuelle" (c'est-à-dire en mode de lecture du seul dessin).
Si ces règles me concernent, me passionnent, même, je n'irai pas jusqu'à prétendre qu'elles ont valeur universelle : A chacun d'inventer et réinventer ses propres règles... pour mieux les contourner si l'histoire (et votre personnalité) le demande !

Car un dessin peut être virtuose, savant, intellectualisé... mais néanmoins creux et sans émotion.

Bref, si cette histoire de "Lignes de forces" vous inspire, très bien.

Mais si ça vous bride, oubliez !



Drôle d'image, non ? Un symbole Yin-Yang superposé à une case du prochain Fox-Boy. Si j'arrive à être clair dans cette chronique, elle vous parlera beaucoup plus dans quelques minutes.

Let's go.

On reprend donc cette planche du tome 2 de Fox-Boy terminée hier (la 51ème en ce qui me concerne, mais je les fais dans le désordre) :




A présent, je l'ai grisée, pour mieux voir les éléments étudiés (ci-dessous).

En rouge, je dose deux valeurs : La précision du regard du lecteur et son intensité.

- Rouge "intense" = zone précise où se pose l'oeil (exemple en case 1, le petit groupe de 3 personnes)
- En rouge "dilué" = zone plus large, plus floue, que le regard embrasse plus largement, sans éléments plus forts les uns que les autres (toujours dans la case 1 : l'ensemble de la pièce que Pol et Anaïs découvrent en même temps que nous).

Toujours en case 1, la zone se referme naturellement par l'ajout de poutres noires en haut, et d'ombres portées sous le lit et le mur, comme un enclos refermé.

Vous voyez le principe ?
- Rouge intense pour un point précis,
- Rouge dilué pour une zone plus large qu'on embrasse du regard :




Généralement, on va du "précis" (rouge intense) vers le "global" (rouge dilué), comme on regarde d'abord le doigt pointé avant de suivre du regard ce qu'il nous désigne.

3 exceptions ici : case 5 (On part du visage en très gros plan de Pol, vers un petit point au loin), idem pour la case 6, et dernière case (contrechamps de la case 5 : le point qui semblait sans importance 5 cases plus tôt, nous est soudainement rappelé, et mise en avant. La fenêtre derrière laquelle nos héros n'est plus qu'un point de lumière, rappelant leur insignifiance, une fois le point de vue inversé).

La planche telle qu'elle sera publiée :



En gros, voici comment j'aimerais que vous lisiez cette planche :

Case 1 : On part des personnage pour découvrir une pièce dans laquelle le reste de la planche se déroule (puisque l'obcurité de ses abords englobe les cases suivantes, réduites à des "inserts".



Case 2 : On part de la tête de Alain ( en contrejour) et on descend vers Pol, circonscrit dans le "losange-rectangle" formé par le bras de Alain, le bas de la case, et la porte (dominance Alain).

Case 3 : C'est désormais de la forme de la valise et du bras d'Anaïs qu'on "encadre" Pol, pou remonter vers Anaïs (dominance : Anaïs).

Case 4 : Inverse de la 3. On repart de la petite Anaïs, vers le regard plein d'intensité de Pol en gros plan à la fenêtre (dominance Pol).

Case 5 : On part du visage de Pol vers l'objet de son regard au loin dans la nuit (Pol tout seul).

case 2                                              case 3                                  case 4                case 5                 



Case 6 : Un élément en début de case (Anaïs qui s'approche) nous attire l'oeil, sans outrance, avant de glisser vers Pol (dominance Pol).

Cases 7-8 : Anaïs remet les compteurs à zéro en sortant Pol de sa torpeur. Ici pour la première fois, ils reviennent "à égalité". Elle récupère son petit ami, et notre attention en même temps. Les deux personnages occupent une même (pleine) place dans ces deux cases. L'extérieur (lueurs mystérieuses) sont provisoirement oubliées.

Case 9 : Pol est en dominance, mais prépare en réalité le lecteur à se perdre dans les yeux et le sourire de l'irrésistible Anaïs. Il joue au macho, mais c'est bien elle qui mène la danse. Pol a perdu le fil de ses pensées, hypnotisé (vous aussi, j'espère). Anaïs a gagné, et moi avec elle.

case 6                                               case 7                                    case 8                case 9


Case 10 : Le fil des pensées de Pol atteste d'un oubli complet de l'élément fantastique extérieur, le "metteur en scène" (moi, donc), vous rappelle que cet élément se rappellera à nous en temps voulu.



On notera que jamais une bulle ne se trouve placée sur le chemin d'une ligne de force, mais sont disposées autour, comme des chiens de bergers autour du chemin d'un mouton.

Toujours là ?
Bravo !
On passe à la suite, alors !

Je vous dévoile maintenant des "fils invisibles", disposés ici pour m'aider à vous faire lire cette planche comme je viens de vous la décrire. Ces fils sont les chemins qui balisent ces mystérieuses "lignes de force" dont je fais le sujet de cette (longue) chronique. Ces fils sont subjectifs. Ils sont cachés dans les diagonales, perspectives, mouvements, points de fuite, et alignements d'éléments de dessin.

La preuve ?
Les voici "révélés" en vert :



A noter : On l'a vu, toute cette page raconte un rapport de force entre Pol et Anaïs.
Dès la première case, celle-ci est enjouée, enthousiaste, quand Pol est froid, éteint, et distant. Elle lui parle, il répond, tout au mieux. Ils ne sont jamais proches, jamais représentés à la même échelle, jusqu'à ce qu'Anaïs "force" sa solitude pour le gagner par sa meilleure arme : la séduction. Il se "retrouvent" enfin cases 7 et 8. Ils ont donc à nouveau la même valeur, et se touchent. Ces cases 7 et 8 montrent des lignes de force moins cassantes, plus douces, plus harmonieuses les unes avec les autres.

La 9 en est l'aboutissement : Les lignes deviennent courbes, s'épousent, se frôlent, et la masse noire (Pol) met en valeur la masse blanche (Anaïs), comme un écrin pour ses yeux (imparable !).

Le Yin-Yang, je ne l'ai pas fait exprès, je n'ai vu  ce symbole qu'en rédigeant cette chronique. C'est alors le moment parfait pour souligner que beaucoup de ces lignes se font "instinctivement" : Par expérience, on pose les choses sans systématiquement tout se dire et intellectualiser.
Ici, le sens du yin-yang est clair : Pol et Anaïs "n'existent", ne sont mis en valeur, que parce que son opposé le définit, et le complète.

Toujours là ?
A l'heure des trente secondes de capacité maximale d'attention ?
Vous me faites honneur !

Je continue, alors.

Un petit rappel sur nos habitudes communes à nous autres : Nous lisons une page de BD suivant un "Z" :
Nous commençons naturellement en haut à gauche, puis filons vers la droite, avant d'opérer un mouvement de diagonale vers le bas à gauche, et filer à nouveau à droite.

Je m'appuie sur cette habitude de sens de lecture  (ci-dessous en bleu) pour disposer mes "fils invisibles", au moment de composer mes cases, et appuyer ainsi mes lignes de forces (en rouge)



On combine à présent "fils invisibles" (en vert), et lignes de forces (rouge):
Voyez comme ces fils verts nous guident à l'intérieur d'une case... mais aussi comme ils nous guident... d'une case à l'autre !



Je remets tout une dernière fois, en grande taille, avec tous les éléments visuels superposés :
Bleu : Sens de lecture "Z"
Vert : "fils invisibles"
Synthèse des deux (mon but "ultime") : Lignes de force (en rouge)

N-B : A l'aune de ces informations, n'hésitez pas à revenir à la page telle quelle sera publiée, c-à-d en couleur, et cherchez comment l'utilisation de cette couleur sert aussi à appuyer toutes ces forces, et accompagner son propos.




Voilà !

J'espère ne pas trop vous avoir ennuyé (si vous êtes encore là, je peux espérer que non ?).


Pour conclure, il me semble donc qu'il est préférable de réussir à agencer sciemment des éléments dans une planche, plutôt que savoir dessiner prodigieusement... mais négliger ce processus là.
Le top, étant évidemment quand les deux soient présents.

Comme je l'ai répondu dans un commentaire(post précédent), je vous invite à (re)feuilleter des planches d'Alan Davis, Hal Foster, Alex Toth, Barry Windsor Smith, Will Eisner, Wrightson (pour les auteurs de comics), et/où Christian Rossi, Hermann pour les Français, en considérant leurs planches sous l'angle de ces fameuses lignes de force.

Exercice de vacances : Ouvrez des bande dessinées, et regardez, observez, voire, osez être critique !

Kenavo.

samedi 27 juin 2015

Colorisation d'une planche de Fox-Boy.

Voici une planche de Fox-Boy, qui figurera dans l'histoire principale du tome 2 "Angle Mort", à paraître début 2016.

J'en ai montré la version encrée, hier sur Facebook, la voici colorisée.



Au passage (et comme à chaque fois, on ne se refait pas), de micro-changements (placement de bulles, dialogue, encrage...) sur la version noir et blanc par rapport à celle montrée hier. Souvent la couleur attire l'attention sur de menus aménagements à apporter, que le seul noir et blanc ne laisse pas encore voir.

Un exemple.



Les bulles-pensée de Pol (forme rectangulaire).
Celle de la case 6 : "Vertes. Comme des aurores bo..." est à cheval sur la case suivante. Je fais souvent ça pour amener naturellement l'oeil du lecteur à la case suivante, et fluidifier la lecture d'une idée à l'autre (en bleu).
En noir et blanc, ça fonctionnait globalement bien.
Mais une fois en couleur, le fait que les pensées de Pol soit "codées" en vert, cette bulle laissée à la même place, mettait en évidence qu'elle formait un triangle avec deux autres bulles-pensées vertes, dans la toute dernière case de la planche, juste en dessous, et éloignait le lecteur de la case suivante (la 7).

Déplacer ces deux dernières "bulles-pensées" vers la gauche de la dernière case horizontale résoudra ce souci (en rouge).



D'où l'avantage d'être seul aux manettes d'un album : Plus simple de corriger directement que d'avoir à demander aux dessinateur, voire de laisser tomber.

Des "pétouilles" comme ça, il y en a parfois 10, 20, ou plus par page, suivant sa complexité.

Pour terminer, la même planche, avec 2 "chemins de l'oeil".

En bleu, le "chemin des bulles" (celui que l'oeil doit suivre pour suivre les dialogues, pensées ou commentaires, dans le bon ordre).

En rouge
, "le chemin du dessin". Celui qu'idéalement, l'oeil du lecteur suivra en même temps pour lui donner les informations qui compléteront ce que "disent" les textes.



Tout comme le son d'un film doit suivre ses images, il faut une synchronicité entre ce qu'on veut montrer, et ce qu'on veut faire lire au lecteur.

Ces deux chemins auront donc une bonne part de route commune, et se superposeront même parfois.

C'est ça, pour moi, la BD : un mariage entre dessin et texte, où chacun peut parfois prendre un peu la place de l'autre, pour se confondre plus ou moins en une seule et même chose : de l'émotion, une idée, des indices...

lundi 15 juin 2015

Work in progress : encrage d'une case.

Un petit WIP.

A gauche, une case crayonnée sur A4. Au milieu, un affinement sur Photoshop à la tablette graphique, puis l'encrage final sur un autre calque.

lundi 8 juin 2015

Strasbulles

Dernier festival avant une pause de 3 mois.

Rendez-vous début septembre à Rochefort, au festival Roch'Fort en Bulles, avec - côté comics - Jean-Yves Mitton (Mikros, Photonik, Miros...), Thierry Mornet (Garde Républicain); Stéphane Créty (Star Wars, Masqué...); Fernando Blanco (Batman Eternal, X-Men extra...); Portella Francis (X-Men extra, Star wars ...) et Toni Fejzula (Veil, Lobster Johnson.).

En attendant, voici les dédicaces "spéciales" -j'entends par là que je vous épargne celles où je dessine Fox-Boy - de ce week-end caniculaire au pays des cigognes :

Conan


Un clin d'oeil aux Tours de Bois-Maury :


Poison Ivy



Saltarella


Wolvie



Punisher


Wolvie


Garde


Demon


Photonik (signé par son vrai papa qui dédicaçait à ma droite : Ciro Tota).


Merci à Fredéric pour cet envoi de Batman :

jeudi 4 juin 2015

Fox-Boy : Autocensure !

Comme vous le savez probablement si vous êtes habitués de ce blog, mon héros Fox-Boy a d'abord existé en Breton depuis 2011, sous le nom Paotr Louarn, publié dans le mensuel en Breton Louarnig.

Le "reboot" du personnage en Français, est l'album FOX-BOY, publié chez Delcourt.

Ce sont désormais les mêmes aventures qui paraissent désormais dans les deux supports.

Seulement voilà, le lectorat de Louarnig est âgé de 8 à 12 ans, tandis que les amateurs de comics Delcourt sont souvent plus âgés. Ainsi, au moment d'éditer certaines pages pour les plus jeunes, certains aménagements s'imposent.

En voici un exemple, modifié ce matin (avant traduction):



Le pétard proposé à Pol par ses copains, est ici tout bonnement supprimé, et les 2 bulles correspondantes, modifiées.


Mais cette même histoire paraîtra en album et en Breton Paotr Louarn tome 2 (c'est-à-dire les épisodes 3 et 4 de Fox-Boy tome 1), le pétard enlevé de la main de Pol réapparaîtra, car là, le format comics conjugué au noir et blanc fait que ce sont les ados et adultes qui sont principalement visés, et l'auto-censure ne tient donc plus.

lundi 1 juin 2015

Festival de Montreuil-Bellay (49)

Le week-end dernier, j'ai participé à la 16e édition du festival BD de la sublime ville de Montreuil-Bellay, au pied du château.
Merci à Marc Defois et à l'organisation pour ce chouette moment parmi une trentaine de collègues.


Sans transition, les dédicaces "spéciales" (c'est-à-dire hors Fox-Boy), demandées par les lecteurs :

On commence avec Bat-Fox :



Bat-Wolverine (Les amalgames sont souvent les compromis trouvés quand les lecteurs hésitent entre l'un ou l'autre personnage).



Iron-Man, façon eighties (le meilleur) :




Un dimanche matin très calme, qui m'a permis de prendre une bonne demie heure à bavarder avec Mathieu, tout en réinterprétant la couv de son Strange fétiche, avec Gorak et Foxy en lieu et place d'une Sentinelle et Spidey :




Une sorte de Spectreman/San-KU-Kai/X-Or pour l'excellent Charlie Poppins, dont je ne saurais trop vous recommander son bouquin de dessins humoristiques à la croisée de Garry Larson et des Monty Python :



Venom :



Cap :




Une peinture faite sur ardoise, et désormais visible à la librairie Au Repaire des Héros, chez l'ami Stéphane, à Angers :



Bats :



Un petit FOX-BOY (histoire d'en mettre au moins un !) :



Bats :




Spidey (dans un Tom et William):



Wolverine eighties (le meilleur aussi) :



Joker, façon Jared Leto (prochain interprète du rôle):



Power-Girl :



Joker :



Pirate (dans La Merveilleuse Histoire des Editions ROA - livre qui va devenir très utile pour lire la suite de FOX-BOY !).



Spider-Man en costume noir :




Prochaine séance de dédicaces, le wekkend-prochain à Strasbourg, avant une loooongue interruption estivale.

Côté comics, je serai (très bien) entouré : Ciro Tota (Photonik), Thierry Mornet (Indispensables du Comics - Garde Républicain), Xavier Fournier (Comic-Box, Super-Héroes : Une Histoire Française...) et plein d'autres, of course.